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Une exposition retrace l’histoire de trois pionniers de l’aviation suisse actifs dans la Broye et le Vully: Ernest Failloubaz, René Grandjean et Georges Cailler.

Martin Bernard

2 mai 2019 – L’histoire est parfois ingrate à l’égard des grands précurseurs. Celle de l’aviation suisse n’échappe pas à ce constat. Qui se souvient par exemple d’Ernest Failloubaz (1892-1919), le «gamin ­volant d’Avenches», surnommé ainsi en raison de son jeune âge et de sa petite taille? Son histoire rappelle qu’au début du XXe siècle, la Broye et le Vully ont été le terrain de jeu des grands pionniers de l’aviation helvétique.

A l’occasion des 100 ans du décès du jeune pilote avenchois, un groupe de passionnés a décidé de mettre en lumière les péripéties de trois figures locales de cette période méconnue: Failloubaz, bien sûr, mais aussi René Grandjean (1884–1963) et Georges Cailler (1890–1938). Une exposition, faite de photos, témoignages et documents parfois inédits, mais aussi de pièces davions, aura lieu au local de l’ancien Café du commerce, à Vallamand-Dessus, du 11 au 19 mai.

L’as du pilotage

Pour ce projet, Jean-Charles Lauper, fondateur d’un site internet sur l’histoire de Morat et du Vully, et ses amis ont notamment fouillé les archives familiales des personnages concernés et recueilli des souvenirs de leurs descendants. Ils ont par exemple retrouvé un dessin sur carton réalisé par un jeune garçon de Vallamand-Dessus à l’occasion du premier meeting d’aviation organisé en Suisse.

C’était le 2 octobre 1910, à Avenches. «La manifestation a eu un succès incroyable, puisque 9000 personnes étaient présentes pour observer les premiers avions conquérir le ciel», souligne Jean-Charles Lauper.

L’attraction principale est la jeune vedette locale Ernest Failloubaz, qui réalise sept vols avec son Blériot. A tout juste 18 ans, il roule en Martini et détonne dans une région essentiellement agricole. Fils d’un riche marchand de vin, il est l’héritier d’une des plus importantes fortunes du canton de Vaud. Cela lui permet d’assouvir sa passion pour l’aviation alors naissante. «Il était téméraire et possédait un vrai talent pour le pilotage. Petit et léger, il disposait aussi d’une carrure idéale pour voler», note Jean-Charles Lauper. L’Avenchois deviendra par la suite le premier pilote helvétique breveté.

L’inventeur de génie

Quelques jours seulement avant le meeting d’Avenches, Failloubaz avait réalisé, entre sa ville natale et Payerne, le premier vol interville de Suisse. Un exploit, accompli seulement cinq mois après avoir effectué le premier vol de sa vie, avec un avion construit par un certain René Grandjean, de Bellerive.

Cet inventeur de génie – il déposera plus de 200 brevets durant sa vie – est «en avance sur son temps», remarque Jean-Charles Lauper. Il est en possession d’un grand domaine agricole à Bellerive, que son père a pu acheter après avoir été secrétaire du baron Adolphe de Rothschild à Paris.

Avant de rencontrer Failloubaz, Grandjean fait ses armes chez un constructeur automobile parisien. «Un jour, il est chargé de convoyer en Egypte une voiture Martini, nouvellement acquise par le sultan Omar Bey. Il est engagé comme chauffeur par ce dernier et vivra quatre ans au pays des pharaons, jusqu’en 1909», raconte le spécialiste.

Sa sœur, Germaine, se marie avec un autre passionné d’aviation dont il était proche: Georges Cailler. Héritier de la célèbre famille de chocolatiers de Broc, propriétaire du château de Vallamand-Dessous, le jeune Cailler construira plusieurs avions. Il mourra dans un accident en 1938.

Souscription populaire

A l’approche de la Grande Guerre, l’armée suisse ne possédait pas encore davions. Les trois amis participent activement au lancement d’une vaste souscription populaire pour financer une flotte nationale. «Ils organisent des journées de l’aviation dans tout le pays et récoltent la somme, énorme pour l’époque, de 1,7 million de francs», explique Jean-Charles Lauper. Dans le canton de Fribourg, les habitants versent en tout l’équivalent de 15 centimes chacun.

René Grandjean incorporera ensuite le premier régiment de pilote militaire avec son avion. En 1915, s’ennuyant sous les drapeaux, il part en France, pays alors en avance sur le reste de l’Europe dans le domaine de l’aviation. Il ne reviendra en Suisse qu’en 1956.

Volontaire pour l’armée, Failloubaz est lui recalé. En cause… sa trop petite taille! Le jeune homme se lance alors dans la fabrication d’hélices pour l’armée, sans succès. Mauvais gestionnaire, sa passion dévorante finit par avoir raison de sa fortune et de sa santé. Il décède le 14 mai 1919 à Lausanne des suites d’une tuberculose.

> Publié dans le quotidien suisse La Liberté, le 2 mai 2019

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