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Ils ont monté une société florissante avant de tout vendre et de se consacrer à un nouveau business. Trois entrepreneurs reviennent sur leur parcours.

Martin BERNARD

18 janvier 2019 – Mettre sur pied une affaire prospère prend souvent du temps et implique des sacrifices importants. Rares sont ceux à y parvenir. Une fois le succès obtenu, cependant, certains entrepreneurs décident de vendre leur bébé et de repartir à zéro, parfois dans un tout autre domaine d’activité.

C’est le cas de Stéphane Bise (Swiss Truth), Richard Williams (Blackbird) et Patrick Thiébaud (Wealthings). Pour eux, pas question de lever le pied ou de prendre une retraite anticipée. Ils apprécient plutôt l’effervescence régnant autour d’un nouveau projet, le fait de travailler en équipe plus réduite ou simplement de façonner l’avenir avec de nouvelles idées. Ces «serial entrepreneurs» ont accepté de revenir sur leur parcours et de livrer les secrets de leur réussite. Portraits.


Richard Williams – Après Holy Cow!, il cartonne dans la vente de cafés et de petits-déjeuners

Il a le look du surfeur et l’accent tonique de son pays de Galles natal. Richard Williams nous reçoit dans son restaurant du Flon, le Blackbird Downtown Diner. Jess, sa femme et cofondatrice, prépare les cafés pour les clients. Après la vente de Holy Cow!, leur nouvelle enseigne, présente à Lausanne et à Rolle, cartonne. Plusieurs centaines de clients s’y rendent chaque jour. Quelle est la clé de ces réussites successives? Pour le découvrir, il faut plonger dans la vie de l’entrepreneur. Richard Williams a grandi dans une ferme du pays de Galles. Dès l’âge de 11 ans, il travaille dur dans l’exploitation familiale et aide son père à traire les vaches. «C’est de cette enfance que viennent les fondements de mon travail et mon engagement à proposer des produits de qualité», raconte-t-il.

A 18 ans, il prend son sac à dos et s’envole pour Sydney, où il vivra quatre ans de petits boulots dans des restaurants. De retour au Royaume-Uni, il suit des études de sociologie du développement à l’Université d’Exeter et à la London School of Economics, puis débarque en Suisse par l’intermédiaire d’un job au Fonds mondial. «J’y suis resté quatre ans, mais j’ai rapidement été déçu. Depuis mon enfance, j’avais ce goût pour l’entrepreneuriat et l’indépendance. J’ai réalisé alors qu’il n’existait pas en Suisse romande de fast-food proposant de la nourriture de qualité.» Holy Cow! était né.

Mais le lancement du premier restaurant, à Lausanne, ne se passe pas aussi bien que prévu. «Le premier mois fut un désastre, avec presque aucun client! Le premier jour, la police est arrivée car de la fumée du restaurant sortait dans les toilettes des voisins», se rappelle le fondateur. C’était en février 2009. Mais le vent finit par tourner. En octobre de la même année, les gens font la queue devant le restaurant. «Très rapidement, nous nous sommes donc agrandis.» A Genève, puis en Suisse alémanique et même en France. Presque à chaque fois, le succès est instantané. La société grandit, et compte près de 180 employés quand un acheteur frappe à la porte. «L’entreprise était devenue importante. J’étais de retour dans un bureau à faire du travail administratif. Nos attentes avaient été dépassées, il était temps de passer à autre chose.» L’affaire est donc vendue en mars 2014.

Vient alors l’heure de planifier la suite. «Je n’étais pas inquiet pour l’avenir, mais en même temps il fallait faire quelque chose. Nous n’allions pas partir au soleil et ne plus rien faire!» Le couple souhaite cependant ne plus travailler en soirée et les week-ends pour profiter de ses enfants. Pourquoi, dans ce cas, ne pas proposer des petits-déjeuners? C’est ainsi qu’est lancée l’idée du Blackbird Breakfast Club. Le concept est basé sur la même philosophie que Holy Cow!: convaincre les clients de venir au moins trois fois par semaine grâce à un bon rapport qualité-prix, une ambiance décontractée et un service de qualité. Le tout reposant sur la vente, aussi au détail, de cinq sortes de cafés torréfiés maison. Une tendance en vogue actuellement. En parallèle, Blackbird crée donc une grande entreprise de torréfaction artisanale, Ibex Coffee Roasters, qui vend également du café à d’autres restaurants.

Avec ses trois enseignes (Blackbird Coffee & Breakfast Club, Blackbird Dowtown Diner et Blackbird House) et ses 50 employés, Blackbird a atteint en seulement quelques années un bon rythme de croisière. A 43 ans, son fondateur assure ne pas vouloir s’agrandir. Cela lui permet de consacrer du temps à sa nouvelle passion: l’écriture. Son premier roman vient de paraître, et un second est sur le feu. Une chaîne britannique serait même intéressée à adapter l’histoire à la télévision. Déjà une nouvelle aventure entrepreneuriale? «C’est un peu tôt pour le dire mais, vous savez, je pense qu’on naît entrepreneur. Il est impossible de le devenir avec l’envie de devenir riche ou célèbre. Il s’agit d’avoir des idées originales et une vision claire du but à atteindre, mais aussi de garder le sens des réalités, d’apprendre tôt la valeur de l’argent, et ensuite de travailler dur.»


Stéphane Bise – A plus de 50 ans, il lance une start-up dans la blockchain

Tout au long de sa carrière d’entrepreneur, Stéphane Bise a toujours pu compter sur ses proches pour le soutenir. En 1997, c’est avec Jean-Marc Gander, son ami d’enfance, qu’il a fondé Trianon. Sa première grande aventure entrepreneuriale, commencée après des études de droit à Lausanne et une expérience professionnelle chez Swiss Life. «Sans lui, je ne serais pas grand-chose. Il est l’expert-comptable qui a les pieds sur terre. C’est mon alter ego de l’autre côté de la barrière», reconnaît Stéphane Bise, qui nous reçoit dans son bureau de Lutry.

A l’origine de Trianon se trouvait l’idée de regrouper différents services liés à la gestion des ressources humaines et des caisses de pension. A ces services était couplée une plateforme en ligne, chose encore rare à une époque où internet n’en était qu’à ses débuts. Quatre autres partenaires, dont Philippe Massard, rejoignent le navire. L’entreprise croît alors rapidement et attire des clients prestigieux, comme la société Orange (désormais Salt). Elle gère, via sa fondation collective, jusqu’à 3 milliards d’avoirs de prévoyance et emploie 150 personnes entre Renens, Berne et Zurich.

En 2015, Stéphane Bise et ses associés sont approchés par La Mobilière, qui souhaite racheter leur affaire. Ils décident de vendre. «En près de vingt ans, nous avions bien vécu et fonctionné. Le temps était venu de penser à la succession, souligne Stéphane Bise. Je crois aux signes et au destin; La Mobilière est arrivée au bon moment.» Durant les deux années suivantes, les amis restent à bord pour assurer la transition. Mais que faire ensuite? Profiter du capital obtenu et prendre une retraite anticipée? «Il était inimaginable de rester chacun chez soi à ne plus rien faire, remarque Stéphane Bise. Quitte à se revoir tous les jours, autant le faire dans un environnement professionnel.»

Dans le cadre de son mandat pour l’entreprise Bondpartners, dont il est membre du conseil d’administration depuis vingt-cinq ans, Stéphane Bise découvre les potentiels de la blockchain, cette technologie de stockage et de transmission d’informations. «Les idées ne viennent pas de nulle part en se levant le matin. Elles naissent d’un processus consistant à faire des liens entre des problèmes et différentes personnes et sociétés. Puis soudain, une impulsion jaillit», confie-t-il. Désormais il en est sûr: correctement utilisée, la blockchain permettrait de certifier et de protéger numériquement des données et des processus de transaction, afin de les rendre infalsifiables, traçables et immuables. Un besoin pressant à l’heure du tout numérique.

Par un heureux concours de circonstances, la connaissance qui lui avait présenté la technologie blockchain est engagée chez Sicpa, leader en matière de solutions et services d’authentification. Guardtime, numéro un mondial en matière de plateforme blockchain grâce à sa technologie KSI, entre aussi dans la danse. En résulte un partenariat exclusif avec Swiss Truth. La start-up fondée par Stéphane Bise, ses deux partenaires, Bondpartners et quelques investisseurs privés, a été présentée officiellement le 8 octobre dernier à Lausanne.

Atout significatif, Sicpa et Guardtime ont autorisé l’entité vaudoise à mettre à la disposition des entreprises la blockchain KSI développée pour les gouvernements – l’Estonie, l’OTAN ou les USA utilisent déjà cette technologie pour gérer et sécuriser leurs données – et donc directement industrialisable. «Une telle opportunité se présente rarement dans la vie d’un entrepreneur, s’enthousiasme Stéphane Bise. Avec Trianon, nous sommes arrivés avant le boom d’internet, mais avec le recul nous aurions pu mieux utiliser son potentiel. Je ne veux pas louper le coche une deuxième fois avec la blockchain.»

Dans un premier temps, une plateforme numérique hyper-sécurisée, MySwissCorp, devrait offrir aux sociétés anonymes suisses la possibilité de tenir leur registre d’actionnaires, de gérer leurs transactions et de maîtriser leur gouvernance. Elle devrait être fonctionnelle en 2019. D’autres types de registres pourront être développés avec la même plateforme.


Patrick Thiébaud –  Une volonté d’entreprendre chevillée au corps

Quand on l’interroge sur son parcours, Patrick Thiébaud aime rappeler qu’il a eu plusieurs vies. Avec un fil rouge: l’information. Cet entrepreneur à succès dirige Wealthings, une PME active dans la gestion d’entreprise qu’il a fondée à Genève en 2011. Elle offre aujourd’hui à plus de 600 sociétés des prestations de conseil et des outils de gestion leur permettant de déléguer différentes tâches administratives (comptabilité, fiscalité, ressources humaines, etc.).

«Les PME peuvent ainsi se concentrer sur leur cœur de métier et prendre des décisions en temps réel», assure l’entrepreneur. L’ERP développé par sa société utilise aujourd’hui les dernières innovations en matière d’intelligence artificielle et de machine learning. Patrick Thiébaud en est convaincu: avec le développement de ces nouvelles technologies, la fiduciaire et la comptabilité traditionnelle vont finir par disparaître, comme un certain nombre d’autres métiers liés aux services.

Wealthings s’inscrit dans cet avenir et cherche à proposer de la valeur ajoutée aux PME. Elle emploie aujourd’hui une trentaine de personnes dans ses antennes de Genève, Lausanne, Fribourg et Hongkong (bureau utilisé pour assurer une liaison avec la Chine). Une belle réussite, qui repose sur beaucoup d’investissements en temps, en argent et en santé. «Quand j’ai créé Wealthings, je n’ai pas touché de salaire pendant vingt-deux mois, assure Patrick Thiébaud. Pour être entrepreneur, il faut une grosse résilience et le soutien de ses proches.» Quelles sont ses motivations? «L’envie de construire quelque chose, d’apporter sa pierre à l’édifice dans un domaine particulier. Gamin, j’adorais les Lego pour cette raison. L’argent n’a jamais été un moteur. J’ai d’ailleurs rarement croisé de créateurs d’entreprise dont le but premier était de gagner de l’argent.»

L’homme sait de quoi il parle. Avant Wealthings, il a lancé ou cofondé plusieurs affaires et sociétés. L’une des plus importantes était certainement Label Technologies, une entité active dans la vente d’applicatifs internet sur mesure, revendue en 2009. Sa passion pour l’informatique est née très tôt. Elle l’a conduit au début de sa carrière, dans les années 1990, à travailler chez UBS, puis chez Arthur Andersen en tant que consultant dans le secteur des technologies de l’information et de la communication. Il a ensuite été engagé par le Forum économique mondial comme responsable des technologies de l’information. Sa vie d’entrepreneur commencera quelques années plus tard.

Pourquoi, en 2011, décider de repartir encore une fois de zéro en fondant Wealthings? «J’ai l’entrepreneuriat dans la peau, répond Patrick Thiébaud. Quand une affaire roule bien, je peux avoir tendance à m’ennuyer et à vouloir faire autre chose. J’aime trouver des solutions à des problèmes. Etre entrepreneur implique beaucoup de contraintes, mais aussi une liberté qu’un employé possède rarement. Je crois que, même si je gagnais au loto, je n’arrêterais jamais car je m’ennuierais trop.» Pour lui, il ne s’agit pas d’une dépendance à l’adrénaline inhérente au lancement d’une nouvelle société. Mais plutôt de qualités présentes dès la naissance. «Il faut être optimiste de nature, et aussi un peu cinglé, pas dans le sens de sous-estimer les risques mais d’être convaincu que ceux-ci ne vous toucheront jamais.»

Une vision de la vie qui semble porter ses fruits. En parallèle à ses activités Patrick Thiébaud met également son expérience au service de sociétés dans lesquelles il est membre du conseil d’administration.

>Publié dans l’édition de janvier-février 2019 de PME Magazine.

 

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