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Le Français Alain Meilland, a baptisé l’une de ses dernières créations florales, samedi 15 juin 2019 à Estavayer-le-Lac.

Martin Bernard

17 juin 2019 – Dans le milieu, on le surnomme «le roi de la rose». Alain Meilland est un petit bonhomme au verbe malicieux et au savoir immense. A presque 80 ans, il a conservé l’énergie de sa passion pour la reine des fleurs, grâce à laquelle il s’est forgé une réputation mondialement reconnue.

Dans les rues de la Vieille-Ville d’Estavayer-le-Lac, il s’arrête pour scruter d’un œil averti les divers spécimens exposés à l’occasion du Festival des roses, dont la quatrième édition s’est terminée hier. Le spécialiste a fait le voyage depuis le sud de la France, où il réside, pour baptiser l’une de ses dernières créations, la rose «Château de Chenaux», aux pétales d’un blanc pur, très résistante aux intempéries.

Un empire mondial

Alain Meilland est le doyen des obtenteurs – comprenez créateurs – de roses. Une petite confrérie regroupant une quarantaine de professionnels à travers le monde. Il est la cinquième génération d’une dynastie qui crée des roses depuis 1867. La Maison Meilland est aujourd’hui un empire présent dans plus de soixante pays. Elle génère un chiffre d’affaires de 18 millions d’euros.

Mais c’est dans leur domaine de Cannet-des-Maures, dans le département français du Var, que les Meilland élaborent leurs variétés de rose. Chaque année, entre avril et fin juillet, 20 000 à 30 000 fleurs sont ainsi fécondées manuellement, sur la base de 2000 à 2500 croisements. Il faut entre six et huit ans pour obtenir une rose. Dix à quinze variétés nouvelles sont commercialisées chaque année par la Maison Meilland. «C’est un travail d’artisan, réalisé à l’ancienne, sans pesticides ni OGM», assure Alain Meilland.

Le patriarche est né en 1940 à Antibes, sur la Côte d’Azur. Il tombe très tôt dans les fleurs, puisque sa mère est également issue d’une famille d’horticulteurs de la région.

En 1945, un heureux concours de circonstances fait basculer le destin de la famille Meilland. Une de ses roses, créée avant la Seconde Guerre mondiale, est offerte à chaque délégué de la future Organisation des Nations Unies, lors de sa réunion inaugurale à San Francisco. Nommée «Peace Rose» dans les pays anglo-saxons, elle est aujourd’hui l’un des spécimens les plus célèbres au monde. Elle a contribué à la réputation de la Maison Meilland, qui en a déjà vendue plus d’une centaine de millions à travers le monde.

Alain Meilland a 18 ans lorsque son père, mourant, lui fait comprendre qu’il aimerait bien qu’il reprenne l’affaire familiale. «J’ai lu ce désir dans ses yeux», se souvient l’obtenteur. Le jeune homme quitte alors l’école et se lance corps et âme dans le travail. Il apprend le métier sur le tas, porté par sa mère et ses grands-pères. «Je n’ai jamais obtenu de diplôme», souffle-t-il. Son travail et ses capacités de communication font la différence. «C’est une éponge. Il retient tout ce qu’il entend, et sait communiquer sa passion», décrit son ami Gérald Meylan, ancien président de la Fédération mondiale des sociétés de roses.

De Bogota à Pékin

Alain Meilland use de ses qualités et de son intuition pour développer l’affaire familiale. En 1967, la guerre des Six-Jours entre Israël et l’Egypte marque un tournant dans ses affaires. L’entrepreneur sent le vent tourner. Il anticipe l’augmentation du prix du pétrole, utilisé pour chauffer les serres, sur le marché nord-américain des roses coupées (celles se trouvant dans les vases). Il fallait donc réfléchir à une solution pour se passer de l’or noir. «J’ai trouvé le climat idéal en Colombie et au Mexique, où le printemps semble éternel.» Depuis ces pays, il alimente ainsi l’Amérique du Nord avec ses roses coupées.

Dans les décennies suivantes, la Maison Meilland croît à l’international. En 1999, elle est la première à obtenir du Gouvernement chinois un titre de protection pour l’une de ses variétés. Avant la révolution maoïste, la rose faisait partie intégrante de la culture traditionnelle chinoise. Elle a aujourd’hui été réhabilitée, et pourrait à l’avenir constituer un marché conséquent pour la société.

Protection intellectuelle

A la fin des années 1990, Alain Meilland donne les clés de la société familiale à deux de ses trois enfants, Sonia et Matthias. Mais il reste très actif et continue de superviser la production florale. «Je poursuis également mon engagement à l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales, dont le siège est à Genève», précise- t-il. Actuellement, il est par exemple impliqué dans l’élaboration de la loi indienne en la matière.

Côté famille, la relève est assurée. «L’un de mes petits-enfants travaille déjà avec sa mère à la reproduction des plantes», se réjouit-il. Secrètement, il n’a plus qu’un souhait: finir ses jours une rose à la main.

> Publié le 17 juin 2019 dans le quotidien La Liberté.

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