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Du 21 au 24 août se tiendra à Ottawa le premier Forum social des Peuples. L’occasion de sensibiliser les participants aux discriminations menées à l’encontre des femmes autochtones au Canada.

Assassinées, violées, battues ou enlevées, les femmes autochtones du Canada sont aujourd’hui encore victimes de graves persécutions. « La discrimination est omniprésente », déplore Viviane Michel, d’origine innue (peuple indien du Québec) et présidente de l’association Femmes autochtones du Québec. Au Canada, elles ont sept fois plus de risques d’être assassinées que les autres femmes ; un quart des femmes disparues et assassinées sont issues des communautés indigènes, alors qu’elles ne représentent que 4,3% de la population féminine.

Fin 2013, 164 femmes autochtones étaient encore portées disparues. Selon un rapport récent de la gendarmerie Royale, depuis 1980, 1.181 cas non résolus d’homicides et de disparitions de femmes indigènes ont été signalés.

Persécuter les femmes pour supprimer la culture autochtone

A ces homicides et disparitions s’ajoutent les violences sexuelles, conjugales et communautaires, ainsi qu’une terrible difficulté d’insertion sociale. « Leur vulnérabilité font d’elles des proies », précise la journaliste Emmanuelle Walter, auteure du livre Soeurs volées (à paraître en novembre chez Lux éditeur).

Le premier Forum social des peuples qui se tiendra à Ottawa cette semaine sera l’occasion pour les nombreuses associations luttant pour la reconnaissance des droits des femmes autochtones de faire entendre leur voix. « Notre volonté est de permettre aux autochtones d’être traités d’égal à égal à l’avenir », explique Michel Lambert, membre du comité d’organisation du Forum et co-fondateur de l’association Alternatives.

Si les femmes des Premières nations canadiennes sont autant discriminées par rapport aux hommes, c’est en partie en raison du statut dont elles bénéficiaient avant l’arrivée des premiers colons. Au sein des différentes communautés, leur rôle était reconnu et une véritable équité prévalait. C’est par les femmes notamment que se transmettaient aux enfants la langue et la culture de la communauté. Certaines nations, comme les iroquoises, avaient même une structure sociale matriarcale. « La colonisation a exigé une transformation de l’organisation des premières nations qui a été favorable aux hommes, et qui a ignoré puis écrasé les femmes, souligne Emmanuelle Walter. Elles ont été vues comme des femmes faciles dont on pouvait abuser, et cette image a perduré au point que même les hommes autochtones en ont en partie héritée ».

Les femmes en première ligne

Aujourd’hui, ce sont en majorité des femmes qui mènent la lutte et montent au front à coup de sit-in, grèves de la faim, blocus et marches de protestation. « Paradoxalement, le rejet et la discrimination dont elles ont été les victimes se sont transformés en volonté de changement », observe Widia Larivière, co-fondatrice au Québec de l’association Idle No more, qui lutte contre la destruction de l’environnement et la discrimination des Premières nations.

Idle No More a ainsi été créée en 2012 par quatre femmes dont deux autochtones, qui mènent depuis la révolte sociale et écologique. C’est une femme également, Theresa Spence, qui permet au mouvement sa médiatisation en menant en 2012 une grève de la faim de six semaines devant le parlement d’Ottawa. Ce sont encore des femmes autochtones qui sont à l’origine l’année dernière d’une marche en raquette de 1.500 km en direction d’Ottawa dans le but de rencontrer le Premier ministre conservateur Stephen Harper.

La loi sur les Indiens en question

Elles revendiquent le droit de participer à l’élaboration des lois qui les concernent, et que soit menée une « enquête publique nationale indépendante qui étudie les cas de femmes disparues et assassinées », expose Widia Larivière.

La question de la suppression de la loi sur les Indiens promulguée en 1876, qui discrimine sur de nombreux points les femmes indigènes, se pose aussi avec récurrence. Si d’aucun souhaite son abrogation, Viviane Michel se montre plus réservée. Elle la trouve « néfaste »mais en même temps souligne que le texte constitue le seul document légal reconnaissant l’existence des autochtones. « Il faut cependant entièrement la refonder et c’est aux Premières Nations de le faire, précise-t-elle. Nous sommes optimistes de pouvoir y parvenir. Notre cause est maintenant soutenue en dehors du Canada, c’est la preuve que les mentalités sont en train de bouger. »

Martin Bernard – Le Journal du Dimanche(Article publié le 17 août 2014)

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