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Françoise Bihin est le nouveau prêtre de la Communauté des chrétiens en Suisse romande. Interview

Martin Bernard

23 mai 2017 – L’endroit est modeste mais chaleureux. De l’extérieur, rien n’indique encore qu’à ce rez-de-chaussée de la vieille- ville de Lausanne se trouvent les nouveaux locaux de l’une des deux branches romandes de la Communauté des chrétiens, un mouvement religieux peu connu. Son nouveau prêtre, Françoise Bihin, nous reçoit dans la salle de culte, à l’atmosphère très épurée. Originaire de Belgique, cette mère de deux enfants a été ordonnée en 2003 en région parisienne. Après plusieurs années passées à Colmar (France) et Stuttgart (Allemagne), elle officie depuis début avril à Genève, ainsi que dans la capitale vaudoise. Rencontre.

Qu’est-ce que la Communauté des chrétiens?

Françoise Bihin: Il s’agit d’un mouvement religieux qui apporte une nouvelle impulsion dans l’évolution du christianisme. Son rôle est avant tout de permettre à chacun de renforcer son lien personnel et intime avec le Christ. La célébration des sacrements est au cœur de son fonctionnement, mais ceux-ci sont totalement renouvelés. L’Eucharistie, par exemple, est appelée l’Acte de consécration de l’homme. Le caractère particulièrement méditatif de ce nouveau culte incite à l’éveil de la conscience.

Nous avons aussi un office différent pour les enfants, qui dure une quinzaine de minutes. Ce qui m’a amenée à devenir prêtre dans la Communauté des chrétiens vient de mon expérience que la participation à l’Acte de consécration de l’homme permet de surmonter le fossé entre foi et connaissance et que la vie spirituelle pénètre de plus en plus la vie quotidienne.

Quelle est votre légitimité pour pratiquer les sacrements?

Nous la fondons sur le fait que le Christ est présent dès que des personnes se réunissent en son nom. C’est l’engagement intérieur de chacun des participants qui rend le sacrement réel. Car au fond, actuellement, la question n’est pas de savoir si le sacrement est valable d’un point de vue juridique ou théologique, mais s’il est réel.

La Communauté des chrétiens a-t-elle un credo?

Oui. Notre credo reprend sous une forme nouvelle les contenus principaux du credo traditionnel. Ces propositions, ainsi que les paroles du culte, sont offertes à une méditation individuelle. Plus généralement, nous ne demandons jamais à quelqu’un de croire en quelque chose pour participer à nos activités ou aux sacrements. Ces derniers sont aussi publics.

Le rôle du prêtre est-il 
également différent?

Le prêtre n’a pas à donner de directives morales ou à se prononcer sur des questions politiques ou économiques. Son rôle est de porter la vie de la communauté et d’accompagner ses membres sur leur chemin de vie. Son activité est soutenue par un travail d’approfondissement spirituel et de méditation quotidiens. A partir de la vie des sacrements, le prêtre organise librement les activités de sa communauté en collaboration avec les membres, en animant des groupes d’études, des cours de religion, etc. Chose importante, le prêtre n’est pas considéré comme l’intermédiaire entre Dieu et les hommes. Nous considérons en effet que chaque personne a la possibilité d’établir un lien direct avec le Christ, sans avoir besoin d’une Eglise ou d’une hiérarchie ecclésiale.

Comment devient-on prêtre?

Chacun suit un parcours individuel, en dialogue avec les prêtres de sa région. Il existe actuellement dans le monde trois séminaires: deux en Allemagne, à Stuttgart et Hambourg, et un à Spring Valley, à New York. Chacun a ses spécificités propres. Il s’agit d’une formation pastorale ponctuée de stages, qui peut durer jusqu’à trois ans et demi. Les situations de vie des personnes qui deviennent prêtres peuvent être très différentes: hommes, femmes, mariées ou non. Les personnes homosexuelles peuvent aussi être ordonnées. A Hambourg existe également depuis cette année une formation en cours d’emploi.

Comment êtes-vous perçus par les autres confessions chrétiennes?

La Communauté des chrétiens est indépendante des grandes Eglises chrétiennes traditionnelles. Celles-ci la considèrent actuellement avec un regard qui peut aller du rejet jusqu’à la bienveillance. En différents lieux, notamment à Strasbourg, un travail de dialogue s’est établi avec des Eglises protestantes. Mais si elle veut rester libre sur le plan institutionnel, la Communauté des chrétiens n’en est pas moins pleinement inscrite dans le courant du christianisme. Du point de vue spirituel, nous considérons que l’Eglise est un organisme vivant auquel appartiennent tous ceux qui ont un lien avec le Christ, qu’ils vivent ce lien seul ou en communauté. De ce fait, sur le plan spirituel, l’œcuménisme est déjà une réalité.


UN MOUVEMENT FONDÉ EN 1922 ET PRÉSENT DANS LE MONDE ENTIER

La Communauté des chrétiens a été fondée en septembre 1922 dans la région de Bâle par 45 personnes accompagnées de Friedrich Rittelmeyer, un pasteur luthérien. Il s’agissait principalement de jeunes étudiants en théologie déçus par ce qui leur était enseigné. Ceux-ci sont venus trouver l’Autrichien Rudolf Steiner (1861-1925), philosophe fondateur de l’anthroposophie, car ils ressentaient la nécessité de renouveler la vie religieuse. Celui-ci accepta de les conseiller et de les aider.

La Communauté des chrétiens fonctionne cependant indépendamment de la Société anthroposophique. Il existe actuellement quelque 300 communautés sur tous les continents, réunissant environ 35’000 membres. La Suisse en compte onze, dans lesquelles officient dix-huit prêtres. «Les communautés les plus larges sont en Suisse alémanique. Celles de Genève et Lausanne regroupent environ 180 membres et amis actifs», explique Walter Wild, prêtre de la communauté en Suisse romande depuis plus de vingt ans. Chaque membre s’engage financièrement, mais la contribution est libre.

Juridiquement, chaque communauté a le statut d’association d’utilité publique. Le mouvement a cependant la particularité d’avoir obtenu à Bâle-Ville une reconnaissance de la part de l’Etat. En ce qui concerne les prêtres, la Communauté des chrétiens est structurée de façon hiérarchique, mais il n’y a pas de grades d’ordination distincts. Les diverses communautés sont regroupées en régions ayant chacune un recteur désigné. Sept d’entre eux portent la conscience du mouvement sur le plan international.

 

> Publié initialement dans La Liberté du 20 mai 2017: http://www.laliberte.ch/dossiers/religions/articles/l-esprit-penetre-la-vie-quotidienne–392892

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