Dans cet article, Marianne Dind, juriste et candidate UDC au Grand Conseil vaudois, détaille pourquoi, selon elle, il faut voter NON au soutien financier des médias lors de la votation fédérale du 13 février prochain. Nous avons décidé de publier ce texte, car il avance des arguments intéressants, utiles dans le débat actuel. Bien entendu, ces arguments ne concernent que leur auteure, et ne sont pas forcément les nôtres. Précisons également que cette publication ne signifie en aucun cas un soutien de notre part à l’UDC. Notre posture intellectuelle est résolument a-partisane.

Marianne Dind

10 février 2022 – Je recommande de rejeter la loi fédérale sur un train de mesures en faveur des médias, le 13 février prochain. Il s’agit d’une réponse par trop simpliste apportée à une réalité beaucoup plus complexe. Ces subventions n’aideront en rien à rendre les médias plus indépendants : bien au contraire ! Il est tentant d’écouter « les mauvaises langues », étant entendu que le Covid-19 semble avoir mis un incroyable « coup de boost » aux paquets d’aides à la presse, ce dès le printemps 2020.

Il convient aussi de rappeler l’insertion d’une aide dans l’ancien art. 14 Loi covid-19, qui vient d’arriver à terme, selon un timing à nouveau aussi précis qu’hasardeux. Aide qui, ne l’oublions pas, était offerte sans justification d’une baisse du chiffre d’affaires des médias (au contraire de conditions strictes imposées à tous autres secteurs d’activité).

Apologie du pouvoir politique

Enfin, même si l’ébranlement et la perte de qualité du quatrième pouvoir ne datent certes pas d’il y a seulement deux ans, notons toutefois que les magnats des médias, suivis en partie par une petite presse ayant bien saisi les enjeux et surtout le lien direct entre « contenu et aide financière », n’ont cessé de faire, depuis plusieurs mois, l’apologie de plus en plus outrancière et impudique du pouvoir en place.

L’exemple du Blick par sa soumission totale aux politiques est particulièrement frappant, mais je vous laisse libre d’imaginer que la presse joue toujours à satisfaction son rôle de garant de la démocratie ! L’art. 1 al. 2 let. e LFML énonce que les médias soutenus auront le devoir d’évoquer en priorité des sujets sur la « réalité » politique, économique et sociale. Les médias traitant de culture, de littérature ou même de sport, ayant une portée sans doute plus éducative, intellectuelle ou même civique, mais moins ancrée dans l’actualité politique et, par conséquent, moins utile au pouvoir, deviendraient-ils alors une presse de seconde zone ?!

Aide aux « petits » médias? Un leurre

Vu que l’on parle de distorsion de la concurrence, les aides seront réparties de manière inéquitable et arbitraire et elles viseront uniquement les journaux payants tout en favorisant la presse « mainstream » bien en place et générant déjà des millions de profits. Certes, pour faire taire au maximum les contestations, des aides ont été accordées à certains petits médias, mais sur des critères qui, à la lecture de la loi, ont l’air obscurs et, de fait, un grand risque d’injustices et d’inégalités se profile.

Enfin, à titre purement anecdotique, il faut relever que l’argent qui reviendra, par exemple, au géant Tamedia ne visera certainement pas à augmenter sa qualité rédactionnelle, mais très probablement à accroître encore davantage ses marges. Le 20 minutes a déjà des millions en poche, mais cela ne l’a pas empêché d’engager des free-lances à la pelle et réduire son personnel de qualité proche de l’âge de la retraite, car ledit personnel paraît coûter toujours trop du point de vue de l’actionnariat. Comme dans de nombreux domaines, le bénéfice n’a plus de corrélation avec la prestation offerte ; la préoccupation n’est de loin pas une bonne et saine information de la population visant à encourager son esprit critique. Bien au contraire, elle favorise son engourdissement intellectuel et sa docilité face aux niaiseries dont on l’inonde.

Une aide inconstitutionnelle

C’est embarrassant, car foule d’autres arguments extrêmement rationnels font pencher la balance vers le NON. Premièrement, cette aide aux médias n’est pas constitutionnelle. Comment expliquer que des médias locaux soient soutenus par une aide fédérale alors que, selon le principe du fédéralisme, chaque canton devrait avoir cette compétence et serait le mieux à même de savoir ce qu’il convient d’octroyer, ou non, selon les régions. Seul l’art. 93 Cst. permet l’ingérence de la Confédération en matière de radio-télévision, ce qui n’est pas le cas pour tous autres médias. Les aides indirectes mises en place il y a quelques mois par l’État de Vaud se voulaient sans doute déjà plus respectueuses de l’art. 17 Cst. (Elles agissaient notamment sur l’achat d’espaces publicitaires ; ce qui relativisait le risque de dépendance).

Quoi qu’on en pense, il faudrait créer une nouvelle base constitutionnelle pour donner compétence à la Confédération de légiférer sur cette question ! Force est de constater qu’un tel article constitutionnel est inexistant. Deuxièmement, qui est le dindon de cette nouvelle farce ? Comme trop souvent, la classe moyenne et les ménages : qui, en plus de payer une redevance radio-télévision plus élevée, devront également financer « à double » les articles en ligne.

Changer de modèle

Troisièmement, le fait de s’adresser à un public plus jeune semble largement un leurre. Ce dernier est bien plutôt friand d’informations gratuites qu’il trouve rapidement sur le net, en particulier la presse internationale, informations RTS déjà gratuites, sites web, partages entre contacts des réseaux sociaux, etc. Peut-on en vouloir à cette jeunesse ? Non, les médias ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes s’ils se sont lancés dans une concurrence malsaine avec les réseaux sociaux, ce qui causera leur perte s’ils ne changent pas rapidement leur structure et leur perspective.

La question de fond demeure : si les médias n’arrivent pas à surnager malgré leurs prestations payantes, c’est bien parce qu’ils ont perdu leur public d’âge mûr qui leur était fidèle et abonné, sans pour autant devenir plus attractif pour les nouvelles générations. En effet, la population, d’une manière générale, ne semble plus avoir foi en eux, en considération de la partialité et pauvreté du contenu qu’on lui propose. Ignorer cette critique et s’axer sur des compensations financières ne sera désormais pas l’antidote.