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Pour alimenter ses thèses critiques, Grégoire Perra, le détracteur le plus acharné en France du courant de pensée appelé « anthroposophie », n’hésite pas à construire artificiellement le mythe d’un courant sectaire, à falsifier des citations ou à manipuler les faits. Une analyse approfondie de ses écrits permet de faire toute la lumière sur ses stratagèmes. Après mon enquête sur le passé de Grégoire Perra au sein du mouvement anthroposophique, publiée en juillet 2019, j’ai décidé de collaborer avec Pierre Bercut, spécialiste de la pédagogie Steiner-Waldorf (voir note biographique plus bas), également auteur d’une analyse à ce sujet[1], afin de décrypter les techniques manipulatoires utilisées par celui qui se présente comme un « lanceur d’alerte » à propos du mouvement anthroposophique.

Pour éviter tout malentendu, précisons que notre but n’est nullement de s’acharner sur la personne de Grégoire Perra. Ceux qui suivent l’actualité pourront s’apercevoir que certains courant de pensées se livrent actuellement, dans le monde francophone, à une véritable chasse à l’anthroposophie. Et que le contenu de leur argumentation est, pour l’essentiel, alimenté par le matériel particulièrement prolixe fourni clé en main par Grégoire Perra. Ce fait justifie que l’on se penche d’un peu plus près sur ses techniques argumentatives et la validité de ses propos.

Par Pierre Bercut et Martin Bernard

15 novembre 2019 – Cela fait près de dix ans maintenant que Grégoire Perra a entrepris sa croisade contre l’anthroposophie. Il s’emploie à faire passer tout ce qui se rattache à ce courant de pensée, non seulement pour une fumisterie, mais aussi pour « une dérive sectaire »[2] des plus néfastes, dont la pédagogie Steiner-Waldorf serait un élément majeur. Selon Grégoire Perra, cette dernière est censée être portée par des personnes aveuglément inféodées à la doctrine de leur maître, qui mentent, dissimulent et endoctrinent leurs élèves sans même s’en rendre compte. Ainsi Grégoire Perra poursuit-il le but de provoquer la mise à l’index, voire la fermeture des écoles Steiner-Waldorf en France.

Or, après un siècle de pratiques pédagogiques répandues partout dans le monde, des dizaines de thèses et études universitaires publiées, des centaines de milliers d’élèves et de parents ayant côtoyé de près les enseignants et les pratiques scolaires, il est bien difficile de trouver des traces tangibles confirmant le préjudice d’endoctrinement de Grégoire Perra. Pour rendre ses thèses crédibles, ce dernier ne s’appuie que sur le principe de l’exception, utilisant le cas isolé pour construire une généralité. A défaut d’éléments concrets, Grégoire Perra n’a pas hésité à aller jusqu’à construire le mythe de « l’endoctrinement indétectable », dont ni les anciens élèves, ni les parents, ni les observateurs spécialisés n’ont pu rendre compte[3]. D’ailleurs, même les plus sévères critiques de la pédagogie, comme l’Allemand Heiner Ullrich, ont reconnu qu’il n’y a pas d’endoctrinement à l’anthroposophie dans les écoles Steiner[4].

Construction d’un mythe

Il semble donc que la faculté de Grégoire Perra à trouver des auditeurs et des soutiens à ses théories repose sur un talent certain pour construire artificiellement le mythe d’un courant sectaire, rétrograde et destructeur, véritable fabrique d’adeptes dont les attributs rassemblent quasiment tous les vices qu’un être humain puisse porter : menteur, manipulateur, raciste, antisémite, déviant sexuel et fanatique pouvant possiblement aller jusqu’à l’infanticide[5].

Pour ce faire, il n’hésite pas, comme nous allons le voir, à dénaturer des citations jusqu’à inverser leur sens contextuel. Ce procédé apparaît clairement dans une étude[6] apparemment circonstanciée d’un ouvrage édité en 2005 par la Fédération des Écoles Steiner-Waldorf, intitulé les Conseils, Réunions avec les professeurs de l’école Waldorf de Stuttgart[7]. En appuyant sa crédibilité sur son statut d’ancien anthroposophe, Grégoire Perra explique à qui veut l’entendre que les intentions manipulatrices et endoctrinantes des écoles Steiner-Waldorf ont leurs racines dans les préceptes donnés par Rudolf Steiner consignés dans cet ouvrage.

Ouvrage peu fiable

Ces textes, issus de discussions pédagogiques précédant l’ouverture de la première école Waldorf à Stuttgart en 1919, rassemblent une quantité d’indications et d’éléments épars donnés spontanément par Rudolf Steiner dans un contexte d’urgence et d’échanges à bâtons rompus. Ils sont donc par nature peu fiables (retranscriptions de prises de notes), contiennent nécessairement des « coquilles », erreurs ou raccourcis sujets à caution, mais aussi beaucoup de contradictions apparentes dans le propos dès lors qu’on s’en tient aux mots en perdant de vue les intentions et le contexte historique.

La lecture de cet ouvrage demande donc une bonne compréhension préalable de la pédagogie et de son contexte d’éclosion. Ceci est d’ailleurs explicitement précisé dans l’avant-propos et l’introduction de 50 pages de l’édition de 2005. Pour toutes ces raisons, ce livre n’est pas étudié dans les instituts de formation à la pédagogie Steiner-Waldorf. Il constitue plutôt un complément pour les spécialistes qui s’intéressent au contexte historique de la création de la première école. Selon nos informations, cet ouvrage n’a d’ailleurs pas été un succès éditorial pour les éditions de la Fédération des écoles Steiner-Waldorf en France (il s’est très peu vendu).

Citations détournées

Dans son analyse de ce livre, Grégoire Perra tente de faire apparaître un processus sectaire de dissimulation, d’intérêts inavoués et de tromperie. Pour ce faire, il extrait et place bout à bout, une trentaine de citations d’un livre de près de 400 pages, en les décontextualisant afin de pouvoir les interpréter à sa guise, et donner l’impression d’un creuset de dissimulation et d’aliénation mentale. Voyons concrètement comment il s’y est pris.

Grégoire Perra extrait par exemple la citation suivante, qu’il livre telle quelle à son lectorat :

« Nous devrons toujours essayer d’obtenir de l’argent de la collectivité. »

Il poursuit en commentant : « Ainsi, les pédagogues anthroposophes réclament sans cesse des subventions de la collectivité, tout en méprisant les institutions qui la représentent. Ils prennent l’argent qu’on leur donne, tout en considérant que celui-ci provient d’une forme d’incarnation du mal sur la terre. Cette attitude fait penser à celle du chien qui mord la main de celui qui le nourrit, ou en tout cas qui voudrait le faire. Cela allait si loin dans l’esprit de Rudolf Steiner qu’il envisageait même de faire financer le siège de la Société anthroposophique (Goetheanum) par une souscription publique : « J’étais depuis longtemps favorable à ce que l’on défende en Suisse l’idée que nous pourrions achever magnifiquement la construction du Goetheanum si chaque citoyen suisse donnait un seul mark pour cela. » (p. 229). Le bâtiment d’une nouvelle religion financé par le contribuable ! On croit rêver. »

Il est clair qu’en présentant les choses ainsi, le lecteur ignorant du texte réel éprouvera un répugnant sentiment d’opportunisme et de haine des institutions étatiques de la part de Rudolf Steiner. Mais qu’en est-il réellement ? En prenant connaissance du texte original donné ci-dessous, la falsification opérée par Grégoire Perra devient évidente :

Grégoire Perra

Extrait des « Conseils, Réunions avec les professeurs de l’école Waldorf de Stuttgart ».

 

Rappelons ici que la première école Waldorf a été fondée à une époque où la scolarisation des enfants dépendait encore fortement du niveau social. Rudolf Steiner avait à cœur de fonder une école accessible à tous (il a été également précurseur pour fonder une école mixte). Dans le texte ci-dessus, il se préoccupe des enfants n’ayant pas les moyens de payer leur scolarité. Pour pouvoir leur permettre d’avoir accès à cette école, il pose la question de la participation de la collectivité.

Grégoire Perra laisse entendre que Rudolf Steiner cherche à obtenir de l’argent de l’Etat, qu’il hait par ailleurs. Mais il est indubitable, à la lecture de la citation entière, que Rudolf Steiner ne fait en aucun cas allusion à des subventions étatiques, mais plutôt à une prise en charge par « quelqu’un de riche ». Il n’est donc absolument pas question d’un subside de l’État mais d’un appel à la solidarité. Grégoire Perra omet, bien évidemment, de dire qu’à l’époque, Rudolf Steiner prônait l’idée d’indépendance culturelle et pédagogique vis à vis de l’État, s’opposant ainsi à l’idée d’une école subventionnée.

Cette inversion des intentions de Rudolf Steiner n’est pas accidentelle, elle permet à Grégoire Perra de surenchérir :

« Bien évidement, une telle attitude contradictoire entre la haine des institutions représentant la collectivité d’une part et la volonté systématique d’obtenir d’elles des subsides de l’autre ne peut que conduire à une hypocrisie profonde. Et c’est bien ce que sont devenus au fil du temps, pris par cette logique malsaine inaugurée par Steiner, la plupart des représentants des institutions scolaires Steiner-Waldorf : des hypocrites, des personnes capables de toutes les courbettes et adaptations nécessaires pour obtenir les accords, la reconnaissance et les subventions qu’ils désirent pour leurs écoles, mais qui intérieurement méprisent ceux qui accèdent à leurs demandes. »

De l’inversion de sens, on bascule à présent dans la calomnie : de l’idée consistant à décentraliser et autonomiser la vie éducative, Grégoire Perra introduit des sentiments de haine à la place de points de vue sociaux et invente un opportunisme malsain. Les pédagogues qui œuvrent dans les écoles Steiner-Waldorf sont, de fait, assimilés à des parasites sociaux voulant ponctionner de l’argent des institutions qu’ils méprisent, tout ceci pour réaliser leur sinistre projet d’endoctrinement. Or, à la lecture du texte réel, le lecteur s’apercevra que Rudolf Steiner cherchait à trouver des aides financières auprès des personnes fortunées pour permettre aux enfants pauvres d’être scolarisés.

Cet exemple n’est pas isolé. Le détournement de sens fait en effet partie des procédés efficaces régulièrement utilisés par le « lanceur d’alerte ». En voici un autre exemple : dans le même article, Grégoire Perra publie telle quelle la citation suivante (la mise en gras est de nous) :

« Gardons le secret pour tout ce que nous avons à résoudre à l’école. »

Il commente ensuite (la mise en gras est de nous)  :

« Ainsi, il (Steiner) fait en sorte que les pédagogues anthroposophes considèrent qu’un secret absolu doit entourer leur école. Il leur interdit ainsi toute communication spontanée avec l’extérieur. Il les retranche de la société. Là encore, c’est donc la logique de l’isolement qui est mise en œuvre. »

On remarquera l’expression « il leur interdit », passant presque inaperçue. Mais elle permet à Grégoire Perra d’inférer une relation de dépendance gourou/adepte. Le lecteur ressentira avec effroi cette sinistre spoliation du libre arbitre, ignorant, bien sûr, qu’elle est l’œuvre de Grégoire Perra lui-même, et non de Steiner. Mais que découvre-t-on dans le livre ? La phrase véritable est (la mise en gras est de nous) : « Gardons le silence pour tout ce que nous avons à résoudre à l’école »[8].

Grégoire Perra a remplacé le mot « silence » par « secret » ; une discrète substitution lourde de conséquence, car garder le « secret » implique une logique sectaire d’isolement et de dissimulation. Voici la citation réelle replacée dans son contexte (la mise en gras est de nous) :

Steiner : « Voici seulement quelques heures que je suis ici et j’ai déjà entendu tellement de commérages sur qui a reçu une gifle, etc. ! Ces commérages qui passent de personne à personne dépassent déjà tellement les limites que c’était épouvantable pour moi. N’est-ce pas, nous n’avons pas à nous faire de soucis lorsque cela résulte de toutes sortes de déductions fausses. Nous avons la peau dure par rapport à cela ; mais n’y contribuons surtout pas nous-même. Gardons le silence sur tout ce que nous avons à résoudre à l’école. Tenons-nous en à une sorte de secret professionnel de l’enseignant. Ne parlons pas aux gens de l’extérieur, excepté aux parents qui viennent nous poser des questions, et parlons leur seulement de leurs propres enfants afin de ne pas donner matière à commérage. Il y a des gens qui parlent de ces choses pour faire sensation et avec délice. C’est un poison pour toute notre entreprise quand elle est ainsi l’objet de commérages. Cette propension aux commérages dans des cercles anthroposophiques est malheureusement propre à Stuttgart. C’est aussi une chose qui nous fait beaucoup de tort, ces ragots qui me sont déjà parvenus de façon répugnante ; nous, les professeurs, ne devons les favoriser en aucune manière. »[9]

Rudolf Steiner critique ici un certain manque de professionnalisme des professeurs qui ne prennent pas assez garde à la façon dont les rumeurs peuvent se propager à l’école. Il les incite à garder en conscience que ce qui se dit dans une réunion de travail entre professionnels ne doit pas faire l’objet de commérages et de ragots. Il emploie à cet égard l’expression fort respectable de « secret professionnel », que Grégoire Perra détourne pour ne reprendre que le terme « secret » dans un sens opposé.

«Malhonnêteté intellectuelle»

La substitution opérée par Grégoire Perra du terme « silence » par le terme « secret » a été révélée par Clément Défèche, professeur à l’école Steiner-Waldrof de Colmar et membre de la Fédération des écoles Steiner-Waldorf en France, lors du procès du 9 juillet 2019 à Strasbourg impliquant Grégoire Perra. Suite à l’audience, on aurait pu s’attendre à ce que ce dernier vérifie sa citation et reconnaisse son erreur.

Au contraire, il a affirmé qu’il s’agissait d’une modification de traduction dans une nouvelle édition de l’ouvrage, opérée par « ces petits malins d’anthroposophes » qui n’ont « pas de limite à la malhonnêteté intellectuelle ! ». Il prétend en apporter la « preuve » par la diffusion des références numérotées (ISBN) de sa propre édition (celle où il a tiré sa citation).

 

 

Grace à cette indication nous avons pu vérifier lequel des deux termes (silence ou secret) était utilisé dans l’édition dont les références ISBN sont indiquées par Grégoire Perra lui-même, autrement dit dans un exemplaire identique au sien.

 

L’édition que nous avons utilisée est bien la même que celle indiquée par Grégoire Perra (voir ISBN).

 

Conclusion : le terme « secret » n’apparaît nullement dans la citation en question (voir copie de la page ci-dessous) ! Afin de pourvoir établir définitivement la vérité sur ce point, et par souci d’honnêteté intellectuelle peut-être que Grégoire Perra pourrait fournir publiquement la photocopie de la page du livre où il a tiré sa citation ?

 

En bas de la page 84, c’est bien le mot « silence » qui est employé, non « secret ».

 

Nous pourrions passer en revue toutes les autres citations extraites par Grégoire Perra de cet ouvrage pour constater qu’il est à chaque fois facile, texte intégral en main et moyennant une bonne connaissance de la pédagogie et du contexte historique de fondation de la première école Waldorf, de comprendre qu’il n’y a dans ce livre aucune trace d’un complot ourdi par une secte[10].

Mentionnons encore que depuis peu, Grégoire Perra a aussi décidé de s’attaquer, avec le même procédé, au « plan scolaire » de Karl Stockmeyer (1886–1963) [11], l’un des enseignants fondateurs de la première école Steiner-Waldorf de Stuttgart. Il y a traqué les citations lui permettant de construire son mythe de l’anthroposophe délirant, sectaire et endoctrinant. Pour amplifier son effet, Grégoire Perra affirme vis-à-vis du livre de Stockmeyer que cet ouvrage « est destiné à rester totalement secret, transmis de la main à la main sous le manteau à l’abri des regards et des lecteurs profanes qui pourraient à juste titre s’indigner de certains de ses contenus. »[12]

Or cet ouvrage n’a rien de secret. Il s’agit d’un livre public qui était en vente sur Amazon et dont la version française papier est simplement épuisée[13]. Après renseignement, la Fédération des écoles Steiner-Waldorf en France a finalement choisi de ne pas le rééditer[14], car il est « obsolète sur beaucoup d’aspects, puisque datant de près d’un siècle », indique l’organisation.

Mais surtout, Grégoire Perra se garde bien de préciser l’état d’esprit dans lequel Stockmeyer a, à l’époque, effectué cette compilation d’éléments épars à des fins pratiques, et qui est explicite dès la préface du livre : « La manière dont Steiner a transmis son art de l’éducation impose au professeur un mode de travail issu de la sphère de la liberté, démarche qui ne peut être séparée de l’idée de base de l’École Waldorf. Les données de Steiner sont toujours mouvantes, laissent toujours une latitude au professeur, l’exhortant à trouver lui-même son chemin. »[15]

En occultant les nombreux passages de ce type présents dans la littérature anthroposophique, Grégoire Perra fabrique l’image de l’adepte fanatique et dogmatique, totalement inféodé à la doctrine du maître Rudolf Steiner et dépourvu de tout sens critique. Il répand ainsi l’idée d’une pédagogie figée ne consistant qu’à appliquer des dogmes et des recettes et pose cette attitude avilissante comme un axiome de base. C’est ainsi qu’il dépossède tout enseignant de sa faculté d’initiative et de discernement, et au bout du compte de sa liberté propre.

Précisons que l’intention du présent article ne vise nullement à valider tous les propos tenus dans les ouvrages cités plus haut, mais à faire apparaître un processus de manipulation des textes. Tant du point de vue de la présentation que du contenu, de tels ouvrages posent en effet maints problèmes. Certains de leurs passages peuvent paraître indéfendables sans une bonne connaissance du contexte historique de l’époque et de la pédagogie Steiner-Waldorf. Notre objet n’est pas davantage ici de discuter de la validité d’une conception du monde mais de dénoncer des procédés destinés à nuire et à tromper au nom d’un prétendu dévoilement de la vérité.

Un « prêt-à-penser » clé en main

Les individus qui soutiennent Grégoire Perra ne prennent sans doute pas réellement connaissance des procédés auxquels celui-ci a recours. Ils le soutiennent peut-être parce qu’il a développé le talent de fournir clé en main un « prêt-à-penser » confortant un climat de suspicion vis-à-vis de tout ce qui, à notre époque, veut prendre au sérieux la dimension spirituelle de l’existence. Un tel projet est particulièrement aisé en France, en raison du faible développement de la pédagogie Steiner-Waldrof. En Allemagne ou dans les pays nordiques, où cette pédagogie est fortement développée, la théorie de Grégoire Perra passerait pour fantasmagorique.

En 2007 a paru en Allemagne une étude universitaire de grande ampleur, réalisée sur un échantillon de 1000 élèves. Cette étude est sans appel sur la question de l’enseignement de l’anthroposophie dans les écoles Steiner-Waldorf :

« Finalement on peut considérer qu’un argument parfois utilisé par les critiques à l’encontre des écoles Waldorf a été une bonne fois pour toute contredit par notre étude : les écoles Waldorf sont tout sauf une institution de recrutement pour le mouvement anthroposophique, comme le montre la très faible part de « professions anthroposophiques » chez les anciens élèves. Au contraire : les écoles Rudolf Steiner sont aujourd’hui reconnues de manière assez large dans les couches aisées et cultivées de la population, et elles forment des jeunes disposés et bien préparés à exercer des professions à responsabilité en de multiples endroits de la société. »[16]

Ou encore :

« On ne peut attribuer aux écoles Waldorf un rôle actif en tant que vecteur de représentations anthroposophiques, mais on peut leur attribuer une grande ouverture au niveau de la religion et de la conception du monde. »[17]

Intervention de Jack Lang

Pourtant, certains soutiens de Grégoire Perra, catastrophés par les « témoignages » de celui-ci, appellent logiquement à une vague d’inspection massive dans les écoles Steiner-Waldorf françaises. D’une part, ils occultent le fait que les écoles Steiner-Waldorf sont régulièrement inspectées par l’Éducation nationale – qui reste l’autorité de tutelle d’une école, sous contrat ou non – d’autre part, ils ignorent sans doute qu’une telle initiative a déjà été menée.

En 1999, suite aux évènements tragiques liés à la secte du Temple solaire[18], une véritable frénésie anti-secte s’est emparée de la France, et les écoles Steiner-Waldorf connurent une vague d’inspection sans précédent, qui ne révélèrent rien qui puisse fonder le qualificatif de secte. Il a fallu alors l’intervention de Jack Lang (voir ci-dessous), alors ministre de l’Éducation nationale, pour que cesse la chasse aux sorcières.

Le manque d’informations relatives aux fondements de la pédagogie Steiner-Waldorf que souligne Jack Lang est en fait peut-être le véritable fond du problème : l’anthroposophie est un ovni culturel, particulièrement difficile à appréhender et à comprendre dans le terreau culturel français. C’est finalement cela qu’exploite avec acharnement Grégoire Perra : transformer la méconnaissance en suspicion, pour finalement mener un procès en sorcellerie.

Pour compléter le sujet, un article de Pierre Bercut faisant suite à ce décryptage et approfondissant les techniques manipulatoires de Gregoire Perra, sera bientôt publié sur ce blog.

 

 

Note sur le co-auteur :

Pierre Bercut a effectué des études de philosophie après avoir été prestidigitateur puis comédien professionnel durant une dizaine d’années. Après une rencontre décisive avec un enfant diagnostiqué hyper actif, dont il va s’occuper durant trois ans, il va se diriger vers la pédagogie et devenir professeur de classe dans deux écoles Steiner/Waldorf. Il s’intéresse depuis de nombreuses années au courant de pensée anthroposophique et travaille actuellement avec les parents et les professeurs de différentes écoles en vue de mieux faire connaître les fondements de cette pédagogie, tant d’un point de vue pratique que théorique. Voici ses motivations : «Ayant vécu de l’intérieur la réalité de la pédagogie Steiner-Waldorf et travaillant toujours au sein de plusieurs écoles, je suis choqué par le fossé qui existe entre la réalité du terrain et les propos destructeurs propagés par Grégoire Perra et ceux qui le soutiennent. Afin de dénoncer ce vaste processus diffamatoire j’ai récemment ouvert une chaine youtube intitulée « prométhéum » (un blog portant le même nom va très prochainement ouvrir). Martin Bernard poursuivant de son côté ce travail de mise en lumière, nous avons entrepris cette première collaboration.»

__________________________________

[1] Voir la vidéo de Pierre Bercut intitulée « Une explication impossible », sur la chaine YouTube prométhéum.

[2]« L’Anthroposophie contient des éléments religieux. Mais il s’agit aussi d’une dérive sectaire, c’est-à-dire un édifice intellectuel et une structure sociale qui, progressivement, enferment l’esprit de ses adeptes (…), les coupent d’eux-mêmes, des autres et de la société, par le biais d’attitudes de défiance et d’hostilité profondes, en vue de former un monde à part, foncièrement pathogène (…). Il s’agit aussi d’une pensée fumeuse, nébuleuse, qui obscurcit les esprits de ceux qui s’y plongent et les conduit peu à peu à perdre contact avec la réalité, c’est-à-dire à des formes de délires (…). Enfin, il s’agit d’une corruption très profonde des individus (intellectuelle, morale et comportementale), les transformant peu à peu, selon les dispositions, en menteurs, en tricheurs, en dissimulateurs, en manipulateurs, favorisant même parfois certaines formes de perversions légalement répréhensibles. L’Anthroposophie est donc une aliénation dans les deux sens de ce terme : une folie et une atteinte à la liberté. Par ailleurs, l’Anthroposophie est un projet visant à créer une nouvelle civilisation. De même qu’il existe aujourd’hui une civilisation islamique, il pourrait un jour exister une civilisation anthroposophique ! »

[3] Voir à ce propos la vidéo de Pierre Bercut intitulée « Un faux témoignage presqu’indétectable », qui met à jour une mise en scène virtuelle d’endoctrinement.

[4]https://www.zeit.de/gesellschaft/schule/2019-04/waldorfschulen-paedagogik-heiner-ullrich-entschleunigung-noten-g8

[5] Le lecteur pourra trouver les références à tous ces attributs sur le blog de Grégoire Perra dédié à la pédagogie Steiner-Waldorf.

[6] Grégoire Perra, « Extraits édifiants des conseils de Rudolf Steiner aux professeurs de l’école Waldorf de Stuttgart », 1er septembre 2012.

[7]Rudolf Steiner, Conseils, Réunions avec les professeurs de l’école Waldorf de Stuttgart, tome 1, 1919-1921, Paris, Fédération des écoles Steiner-Waldorf en France, 2005.

[8]Rudolf Steiner, Conseils, Réunions avec les professeurs de l’école Waldorf de Stuttgart, tome 1, 1919-1921, Paris, Fédération des écoles Steiner-Waldorf en France, 2005, p. 84.

[9]Ibid.

[10]Les lecteurs intéressés pourront par ailleurs se référer à la thèse de doctorat de la Québécoise Chantal Lapointe sur la pédagogie Steiner-Waldorf, qui consacre un chapitre entier aux procédés de Grégoire Perra, en illustrant là encore comment il détourne et oriente les Conseils de classe de Rudolf Steiner.

[11]Karl Stockmeyer, Éléments fondamentaux de la pédagogie Steiner, Verrières-le-Buisson, Fédération des écoles Steiner en France, 1998.

[12]Grégoire Perra, « Le Stockmeyer, quand Rudolf Steiner prévoyait de l’anthroposophie pour les jeunes de 14 ans dans les écoles Steiner-Waldorf », 13 juillet 2019.

[13]https://www.amazon.fr/Éléments-fondamentaux-pédagogie-Steiner-Stockmeyer/dp/2912831016

[14] Une version électronique reste cependant disponible pour ceux qui en font la demande.

[15]Karl Stockmeyer, op. cit., p. 2.

[16] Heiner Barz, Dirk Randoll, Absolventen von Waldorfschulen, Eine Empirische Studie zu Bildung und Lebensgestaltung, VS Verlag für Sozialwissenschaften, 2007, p. 92.

[17] Ibid., p. 158.

[18] https://www.lenouvelliste.ch/articles/valais/martigny-region/salvan-le-drame-de-l-ordre-du-temple-solaire-ots-a-25-ans-870805

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